Quel accès à la culture et au sport défendons nous ?

par Léna Raud-leger

L’accès à la culture et au sport, une urgence pour les jeunes

I- Pourquoi est-ce important

La culture et le sport sont aujourd’hui considérés par certain.e.s comme non essentiels à la vie des jeunes. Cette idéologie poussant à croire que les temps de loisirs et de repos ne devraient pas leur être accessibles avec comme seul argument celui de leur tranche d’âge n’a pas lieu d’être et va à l’encontre de nombreuses études montrant l’importance des loisirs et du temps libre pour le bien-être de l’individu. Le sport et les pratiques culturelles sont des vecteurs de liens sociaux, d’émancipation et permettent un maintien d’une bonne santé physique et psychique. Après plus d’un an isolé.e.s, les étudiant.e.s et les lycéen.e.s ont d’autant plus cette urgence à reconnecter avec une pratique émancipatrice et formatrice.

En effet, ces lieux propices pour l’éducation populaire sont des écoles de formation offrant des apprentissages différents de ceux transmis au lycée ou à l’université. Sortant du cadre scolaire, ces activités permettent une transmission de valeurs telle que la camaraderie, la confiance en soi et bien d’autres choses transmises en fonction de l’activité choisie. Par exemple, faire du théâtre permet d’apprendre à parler fort sans s’épuiser ou d’appréhender le contact avec le public. Toutes ces valeurs et ces enseignements ne s’apprennent pas toujours dans une salle de cours.

Formation, émancipation, santé… Tous ces éléments mettent au devant de la scène l’importance pour les jeunes d’accéder à une pratique sportive et/ou artistique et culturelle.

II- Où en est-on de l’accès à la culture et au sport en France

Selon le rapport de l’INJEP publié en 2019, les pratiques culturelles chez les jeunes de 18 à 30 ans se révèlent être de plus en plus variées avec une fréquentation en hausse. Les bonnes nouvelles que mettent en avant ce rapport sont pourtant à nuancer. En effet, si les jeunes pratiquent plus d’activités culturelles et artistiques, les activités jugées comme bourgeoises et souvent à un coût plus élevé sont alors peu fréquenté par cette tranche d’âge. Seuls 23% des 18-30 ans seraient allés au moins 1 fois au théâtre durant les douze derniers mois précédant l’enquête.

Pratiquer une activité artistique et culturelle est aussi loin de faire l’unanimité, dès lors que l’activité a un certain coût la fréquentation des 18-30 ans descend en dessous des 50%. Pour reprendre l’exemple du théâtre, seuls 11% ont eu une pratique théâtrale durant les douze derniers mois. Cette fréquentation extrêmement basse et de la pratique de certaines activités pousse à mettre aussi en évidence les freins aux pratiques culturelles et artistiques. En effet, il n’est pas forcément question de goût ou de volonté puisque le coût des activités se hisse largement en première place du top 10 des entraves que rencontrent les jeunes. La précarité grandissante des jeunes ne permet pas un accès juste et égalitaire aux pratiques culturelles. En outre, 43% placent en second le manque de temps comme empêchement aux activités culturelles. Ce manque de temps n’est pas forcément, pour les étudiant.e.s, liés à un emploi du temps trop rempli par d’autres loisirs mais par le salariat qui les poussent à sacrifier les temps de loisirs et de repos pour survivre.
Ces élément font écho à l’augmentation des activités numériques qui peut demander moins de frais et sont plus rapidement accessible mais individualise les pratiques en faveur par exemple de grands groupes privés de streaming ou de librairies en ligne.

Cette individualisation est aussi à mettre en évidence du côté des pratiques sportives. L’UCPA relève après une étude publiée en 2019 faite sur les 16-25ans que, si 75% d’entre eux/elles pratiquent un sport au moins une fois par semaine, 58% le font chez eux/elles. C’est donc 58% qui n’ont pas accès à des équipements ou un suivi réduisant les risques de blessures ou de mauvaise posture.

À l’inverse de la première étude concernant les pratiques culturelles, celle-ci ne met pas en évidence les freins possibles dans l’accès aux pratiques sportives. Pourtant nous pourrions aisément conjecturer sur le coût comme principal frein. En effet, la présence du fitness et de la musculation en tête du classement des sports les plus pratiqués et le pourcentage encore insuffisant de jeunes entre 15 et 29 ans ayant une licence nous pousse à confirmer cette hypothèse. En effet, le faible coût de ces activités permettent aux jeunes dans une situation précaire de pouvoir tout de même pratiquer une activité physique et sportive importante pour le maintien d’une bonne santé. L’importance de la licence dans la pratique sportive n’est pas seulement d’y trouver un large réseau social. Elle répond aussi aux problématiques relevées par les pratiques individuelles sans accompagnement. En outre, si les licences peuvent parfois revenir à un montant raisonnable, le coût des équipements peut vite faire monter le budget rendant alors inaccessible une pratique collective ou nécessitant du matériel.

III- Les réponses du MJCF

Il est donc urgent de rendre accessible à tous et toutes la culture et le sport.

Les bénéfices de ces pratiques sont pourtant clairs et pourtant trop peu ont la possibilité de pratiquer dans de bonnes conditions un loisirs.

Les pass’culture ou sport aujourd’hui prônés par le gouvernement ne suffisent pas. Le besoin est plus grand et il nécessite un engagement entier de la part des différents ministères. Réductions des coûts, augmentation du temps libre en mettant fin au salariat étudiant et passant aux 32h ou une une politique de médiation élargie et ambitieuse sont des solutions qui peuvent se montrer efficaces et réduire ces inégalités d’accès à la culture et aux sports. Mais cela ne s’arrête pas là, un accès aux loisirs c’est aussi donner la possibilité aux jeunes de pouvoir se déplacer. En 2019, 25% des 18-30 ans interrogés jugeaient les transports comme une contrainte. Cette contrainte n’aurait pas lieu d’être si les transports publics gratuits avec une offre de ligne conséquente et à hauteur des besoins existaient.
Il est temps de s’appuyer sur les structures associatives, publiques et de proximités qui travaillent chaque jour à la démocratisation des pratiques sportives et culturelles afin que chacun.e puisse y avoir accès comme il/elle le souhaite. Ces structures sont notre force dans l’accès au sport et à la culture, il est urgent de faire en sorte qu’elles puissent remplir leurs missions auprès des jeunes qui ont plus que jamais besoin de ces activités pour s’émanciper et vivre pleinement leur vie.

1/ En 2015, en France, 33% des personnes de 15 ans et plus jugent que la fréquentation des musées ou des théâtres est réservée à une élite. Source : DONNAT Olivier, Les inégalités culturelles, qu’en pensent les français. 2015

2/ OCTOBRE Sylvie. Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmissions : un choc des cultures ? 2009

3/ En 2018 parmi les jeunes pratiquant une activité sportive, 41 % détiennent une licence. Source : INJEP, Les chiffres clés du sport 2020.